Le théorème d'approximation de Stone-Weierstrass

K désigne ici le corps ℝ ou le corps ℂ. Pour tout espace métrique E, l'espace vectoriel $\mathfrak{C}_{K}^{\infty }(E)$ est une algèbre sur le corps K.
De la définition de la norme sur $\mathfrak{C}_{K}^{\infty }(E)$ il résulte que dans cette algèbre ||fg||≤||f||.||g||, et par suite d'après ce résultat l'application bilinéaire (f,g) → fg est continue.
De cette remarque il résulte facilement que pour toute sous-algèbre A de $\mathfrak{C}_{K}^{\infty }(E)$ l'adhérence $\overline{A}$ de A dans $\mathfrak{C}_{K}^{\infty }(E)$ est encore une sous-algèbre de $\mathfrak{C}_{K}^{\infty }(E)$ (revoir ce résultat).

On dit qu'une partie A de $\mathfrak{C}_{K}^{\infty }(E)$ sépare les points de E si pour tout couple de points distincts (x,y) de E×E, il existe une fonction f∈A telle que f(x)≠f(y).

Après ces préliminaires, nous pouvons énoncer le théorème de Stone-Weierstrass :

Soit E un espace métrique compact. Si une sous-algèbre A de $\mathfrak{C_{\mathbb{R}}^{\infty }}(E)$ contient les fonctions constantes et sépare les points de E, A est dense dans l'espace de Banach $\mathfrak{C_{\mathbb{R}}^{\infty }}(E)$.

La démonstration se fait en plusieurs étapes :
Lemme 1 :

Il existe une suite de polynômes réels (un(t)) qui dans l'intervalle [0,1] est croissante et converge uniformément vers √t.
On définit un par récurrence en prenant u1=0 et en posant :
$$u_{n+1}(t)=u_{n}(t)+\frac{1}{2}\left ( t-u_{n}^{2}(t) \right ) \text{ pour }n\geqslant 1 \tag{1}$$
Démontrons par récurrence que un+1≥un et un(t)≤√(t) dans [0,1].
D'après (1) on voit que le premier résultat découle du second. D'autre part :
$$\sqrt{t}-u_{n+1}(t)=\sqrt{t}-u_{n}(t)-\frac{1}{2}\left ( t-u_{n}^{2}(t) \right )$$
$$\sqrt{t}-u_{n+1}(t)=\left ( \sqrt{t}-u_{n}(t) \right )\left ( 1-\frac{1}{2}\left ( \sqrt{t}+u_{n}(t) \right ) \right )$$
et de un(t)≤√(t) on déduit
$$\frac{1}{2}\left ( \sqrt{t}+u_{n}(t) \right )\leqslant \sqrt{t}\leqslant 1$$
Pour tout t∈[0,1] la suite (un(t)) est donc croissante et bornée, et par suite elle converge vers une limite v(t). Mais d'après (1) on a t-v2(t)=0 et comme v(t)≥0 on a v(t)=√t.
Comme v est continue et que la suite (un) est croissante, le lemme de Dini prouve que (un) converge uniformément vers v.

Lemme 2 :

Pour toute fonction f∈A, |f| appartient à l'adhérence $\overline{A}$ de A dans $\mathfrak{C}_{\mathbb{R}}(E)$.
Soit a=||f||. d'après le résultat précédent, la suite de fonctions $u_{n}\left ( \frac{f^{2}}{a^{2}} \right )$ qui appartient à A par définition d'une algèbre, converge uniformément vers $\sqrt{\frac{f^{2}}{a^{2}}}=\frac{\left | f \right |}{a}$ dans E.
Il en résulte que $\frac{\left | f \right |}{a}\in \overline{A}$ et comme $\overline{A}$ est une algèbre, $\left | f \right |\in \overline{A}$.

Lemme 3 :

Pour tout couple de fonctions f,g dans $\overline{A}$, inf(f,g) et sup(f,g) appartiennent aussi à $\overline{A}$.
En effet, on peut écrire :
$$sup(f,g)=\frac{1}{2}\left ( f+g +\left | f-g \right |\right )$$
$$inf(f,g)=\frac{1}{2}\left ( f+g -\left | f-g \right |\right )$$
Il suffit alors d'appliquer le résultat précédent à l'algèbre $\overline{A}$.

Lemme 4 :

Pour tout couple de points distincts x,y dans E et tout couple de nombres réels α, β, il existe une fonction f∈$\overline{A}$ telle que f(x)=α et f(y)=β.
Par hypothèse il existe une fonction g∈A telle que g(x)≠g(y).
Comme A contient les fonctions constantes, on prend :
$$f=\alpha +\left ( \beta -\alpha \right )\frac{g-g(x)}{g(y)-g(x)}$$

Lemme 5 :

Pour toute fonction $f\in \mathfrak{C}_{\mathbb{R}}(E)$, tout point x∈E, et tout ε>0, il existe une fonction $g\in \overline{A}$, telle que g(x)=f(x) et $g(y)\leqslant f(y)+\varepsilon$ pour tout y∈E.
Pour tout point z∈E, soit hz une fonction de $\overline{A}$ telle que hz(x)=f(x) et hz(z)≤f(z)+ε/2 ; l'existence d'une telle fonction est évidente pour z=x et résulte de ce qui précède pour z≠x.
Il existe un voisinage V(z) de z tel que pour tout y∈V(z) hz(y)≤f(y)+ε en vertu de la continuité de f et de hz.
Recouvrons alors E par un nombre fini de V(zi). Alors d'après le lemme 3 la fonction g=inf(hzi) appartient à $\overline{A}$ et satisfait aux conditions requises puisque tout y de E appartient à l'un des V(zi).

Résultat final :

$$\overline{A}=\mathfrak{C}_{\mathbb{R}}(E)$$
Soit f une fonction quelconque de $\mathfrak{C}_{\mathbb{R}}(E)$ ; pour tout ε>0 et tout x∈E soit gx∈$\overline{A}$ telle que gx(x)=f(x) et gx(y)≤f(y)+ε pour tout y∈E, d'après le lemme 5.
Alors, il existe un voisinage U(x) de x tel que pour y∈U(x) gx(y)≥f(y)-ε en vertu des continuités de f et gx.
Recouvrons E par un nombre fini de voisinages U(xi). Alors d'après le lemme 3 la fonction φ=sup(gxi) appartient à $\overline{A}$ et est telle que pour tout y de E :
$$f(y)-\varepsilon \leqslant \varphi (y)\leqslant f(y)+\varepsilon$$
puisque tout y de E appartient à l'un des U(xi).
En d'autres termes ||f-φ||≤ε et ceci montre que f appartient à l'adhérence de $\overline{A}$, donc à $\overline{A}$ lui-même.

Le théorème correspondant pour $\mathfrak{C}_{\mathbb{C}}(E)$ est faux ; on a seulement le résultat plus faible qui suit :

Soit E un espace métrique compact. Si une sous-algèbre A de $\mathfrak{C}_{\mathbb{C}}(E)$ contient les fonctions constantes, sépare les points de E et est telle que pour toute f∈A, la fonction conjuguée $\overline{f}$ appartient aussi à A, alors A est dense dans $\mathfrak{C}_{\mathbb{C}}(E)$.
On remarque que pour toute f∈A,
$$\mathfrak{R}f=\frac{1}{2}\left ( f+\overline{f} \right ) \text{ et }\mathfrak{I}f=\frac{1}{2}\left ( f-\overline{f} \right )$$
appartiennent aussi à A. par suite, si A0 est la sous-algèbre réelle de A formée des fonctions à valeurs réelles, il résulte immédiatement de la définition que A0 sépare les points de E et contient les constantes (réelles).
Par suite A0 est dense dans $\mathfrak{C}_{\mathbb{R}}(E)$ et la densité de A dans $\mathfrak{C}_{\mathbb{C}}(E)=\mathfrak{C}_{\mathbb{R}}(E)+i\mathfrak{C}_{\mathbb{R}}(E)$ en résulte immédiatement puisque A=A0+iA0

Exercices

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