On a déjà rencontré en algèbre des structures produits (produits d'ensembles, de groupes, d'anneaux, d'espaces vectoriels). Nous nous efforçons ici de suivre un plan analogue en munissant l'ensemble produit E×E' où (E,$\mathfrak{T}$) et (E,$\mathfrak{T'}$) sont deux espaces topologiques d'une topologie 'compatible' en ce sens qu'elle doit rendre continues les projections naturelles :
$$
\begin{cases}
& p:E\times E' \to E \\
& (x,x') \mapsto p(x,x')=x
\end{cases}
$$
$$
\begin{cases}
& p':E\times E' \to E' \\
& (x,x') \mapsto p'(x,x')=x'
\end{cases}
$$
Nous aborderons ensuite le cas des espaces métriques qui sont en particulier des espaces topologiques. Nous définirons sur l'ensemble produit E×E' de deux espaces métriques (E,d) et (E',d') une distance d×d' faisant de E×D' un espace métrique, de sorte que la topologie induite par d×d' soit justement la topologie produit de $\mathfrak{T}$ par $\mathfrak{T'}$ où $\mathfrak{T}$ (resp. $\mathfrak{T'}$)est la topologie sur E (resp. E') induite par la distance d (resp.d').
Le cas de deux espaces ne diffère pas du cas d'un nombre fini quelconque d'espaces.
La notion de produit infini d'espaces topologiques (produit d'une famille indexée) existe aussi et n'est pas plus compliquée conceptuellement que dans le cas fini. Un cas particulier intéressant est celui où tous les ensembles de la famille indexée disons par I sont égaux au même ensemble E (Ei=E ∀i∈I). Dans ce cas l'ensemble produit est tout simplement l'ensemble EI de toutes les applications de I dans E. Cependant si les Ei sont métriques, il n'est pas en général possible de métriser la topologie produit, cela reste pourtant possible si I est dénombrable.
Nous aurons également a étudier la notion de continuité pour des fonctions à valeurs dans un produit, ou bien définies sur un produit.
Cas d'un produit fini d'espaces topologiques
Soient (Ei,$\mathfrak{T}$i)1≤i≤n n espaces topologiques. E désigne l'ensemble produit $E=\prod_{i=1}^{n}E_{i}$. Pour tout i 1≤i≤n, on désigne par pi:E→Ei, la projection (x1,x2,...,xi,...,xn)→xi.
Nous cherchons à munir E d'une topologie telle que toutes les applications pi soient continues. La définition de la continuité implique que les ensembles de la forme $U=\prod_{i=1}^{n}V_{i}$ où pour un certain indice i Vi est un ouvert de Ei et pour tous les indices j≠i Vj=Ej doivent être ouverts. Par intersection finie les produits d'ouverts de la forme $U=\prod_{i=1}^{n}U_{i}$ doivent également être ouverts.
Comme nous l'avons vu les ouverts de cette topologie sont les réunions de produits d'ouverts.
$$\overline{\prod_{i=1}^{n}A_{i}}=\prod_{i=1}^{n}\overline{A_{i}}$$
Réciproquement si a∉$\prod_{i=1}^{n}\overline{A_{i}}$, alors il existe au moins un indice i tel que ai∉$\overline{A_{i}}$. supposons par exemple que a1∉$\overline{A_{1}}$, l'ensemble E1-$\overline{A_{1}}$×E2×...×En est ouvert dans E, contient a et a avec $\prod_{i=1}^{n}A_{i}$ une intersection vide, donc a∉$\overline{\prod_{i=1}^{n}A_{i}}$.
Le résultat qui précède admet le corollaire suivant :
Lien avec la continuité
Applications à valeurs dans un produit
Le théorème principal dit que pour qu'une application à valeurs dans un produit soit continues il faut et il suffit que ses composantes soient continues.
$$
\begin{cases}
& f:F \to E=\prod_{i=1}^{n}E_{i} \\
& z \mapsto f(z)= (f_{1}(z),f_{2}(z),...,f_{n}(z) )
\end{cases}
$$
une application d'un espace topologique (F,$\mathfrak{T'}$) dans un espace topologique produit (E,$\mathfrak{T}$).
Pour que f soit continue au point z0 il faut et il suffit que les fi (1≤i≤n) soient continues en z0.
Elle est suffisante car si U=U1×U2×...×Un est un produit d'ouverts dans E, alors
$f^{-1}(U)=\prod_{i=1}^{n}f_{i}^{-1}(U_{i})$
Ce théorème admet le corollaire suivant, en vertu du lien entre limites et continuité :
$\lim_{z\rightarrow a,z\in A}f(z)=(b_{1},b_{2},...,b_{n})$
En particulier :
Applications définies sur un produit
Il résulte immédiatement des définitions que :
{a1}×...×{ai-1}×Ei×{ai+1}×...×{an}.
xi→ f(a1,...,ai-1,xi,ai+1,...an) est continue.
Cela résulte évidemment du fait que ces applications partielles sont composées de
xi→(a1,...,ai-1,xi,ai+1,...an) avec f et du fait que la composée de deux applications continues est encore continue.
Attention !!! la réciproque est fausse comme le montre le contre-exemple suivant :
Soit f l'application de $\mathbb{R}$2 dans $\mathbb{R}$ définie par f(0,0)=0 et f(x,y)=xy/(x²+y²), alors au point (0,0) chacune des deux applications partielles est continue car nulle donc constante, mais f n'est pas continue en (0,0) car constante et égale à 1/2 sur la droite x=y.
Cas d'un nombre fini d'espaces métriques
x=(x1,x2,...,xn) y=(y1,y2,...,yn) on pose :
d(x,y)=Max1≤i≤ndi(xi,yi).
Alors d est une distance sur E=E1×E2×...×En, appelée distance produit des di, faisant de E un espace métrique appelée espace produit des (Ei,di).
Le principe de commutativité, énoncé ci-après, résulte immédiatement de la définition :
En outre, il résulte aussi de la définition de d que :
$B(a;r)=\prod_{i=1}^{n}B(a_{i};r)$ et $B'(a;r)=\prod_{i=1}^{n}B'(a_{i};r)$.
Il résulte immédiatement de cela que :
$$
\begin{cases}
& f:F \to E=\prod_{i=1}^{n}E_{i} \\
& z \mapsto f(z)= (f_{1}(z),f_{2}(z),...,f_{n}(z) )
\end{cases}
$$
une application d'un espace métrique (F,d') dans un espace métrique produit (E,d).
Pour que f soit uniformément continue il faut et il suffit que les fi (1≤i≤n) soient uniformément continues.
Il est remarquable que :
Cela résulte évidemment du fait que ces applications partielles sont composées de
xi→(a1,...,ai-1,xi,ai+1,...an) avec f et du fait que la composée de deux applications uniformément continues est encore uniformément continue.
Remarque importante
Les deux fonctions définies sur E par :
$$d'(x,y)=\sum_{i=1}^{n}d_{i}(x_{i},y_{i})$$
$$d''(x,y)=\sqrt{\sum_{i=1}^{n}d_{i}(x_{i},y_{i})^{2}}$$
sont également des distances sur E et on a :
d(x,y)≤d"(x,y)≤d'(x,y)≤2d(x,y).
Ce qui entraîne que les trois distances sont Lipschitz-équivalentes, donc uniformément équivalentes, donc équivalentes et qu'elles définissent donc la même topologie. En particulier l'espace $\mathbb{R}$n avec la distance euclidienne habituelle, n'est rien d'autre que le produit de n copies de $\mathbb{R}$ muni de la distance usuelle.
Propriétés héréditaires
Nous énonçons les théorèmes pour deux espaces nommés E et F, les résultats s'étendant immédiatement aux produits finis.
Cas des espaces topologiques généraux
Soit W un voisinage d'un point quelconque (x,y) du produit E×F, alors W contient un ouvert de la forme U×V où U et V sont non vides. Il existe un indice n0 (resp. n1)tel que xn0∈U (resp. yn1∈V). Alors (xn0,yn1)∈W. On conclut en remarquant que les couples (xm,yn) forment un ensemble dénombrable de points de E×Y.
Pour tout couple (x,y) il existe donc un indice λ(x,y) tel que (x,y)∈Uλ(x,y)×Vλ(x,y).
Pour un x donné de E les Vλ(x,y) recouvrent F, on peut donc en extraire une suite finie λ1(x,y),...,λn(x,y), telle que les Vλi(x,y) recouvrent F.
Maintenant $U'_{x}=\bigcap_{i=1}^{n}U_{\lambda _{i}(x,y)}$ est un ouvert contenant x comme intersection finie d'ouverts contenant x (en fait ici n dépend de x, donc n=n(x)). On peut donc recouvrir E par une famille finie de tels ensembles U'x1, U'x2, ... ,U'xm, et pour chaque indice j 1≤j≤m il existe un entier n(j) tel que $F=\bigcup_{i=1}^{n(j)}V_{\lambda _{i}(x,y)}$. De sorte que pour extraire de (Uλ) un recouvrement fini il suffit de faire prendre à j toutes les valeurs entre 1 et m et pour chaque j prendre tous les λ(j,i) (en nombre fini) tels que 1≤i≤n(j).
Cas des espaces métriques
Produits d'une famille infinie d'espaces topologiques
Cas des espaces topologiques généraux
Nous considérons ici une famille (Ei,$\mathfrak{T}$i)i∈I d'espaces topologiques où I et un ensemble quelconque (non nécessairement fini). Le produit ensembliste des ensembles (Ei)i∈I est noté E. On considère les projections :
$$ \begin{cases} & p_{i}:E \to E_{i} \\ & x=(x_{i})_{i \in I} \mapsto p_{i}(x)=x_{i} \end{cases} $$
l'espace produit de la famille (Ei,$\mathfrak{T}$i)i∈I
on note ceci : $(E ,\mathfrak{T})=\prod_{i \in I}^{ }(E_{i},\mathfrak{T}_{i})$
En somme la définition ne diffère en rien du cas fini, et nous avons la même caractérisation de cette topologie :
Un cas particulier important est celui où tous les Ei sont égaux au même ensemble F. Alors le produit E se confond avec l'ensemble FI de toutes les applications de I dans F.
En particulier si F est un espace métrique avec la distance d, une suite de fonctions fn:I→F converge donc vers f si :
pour tout i∈I et tout ε>0 il existe un entier n0, tel que n≥n0⇒d(fn(i),f(i))<ε
Cas des espaces métriques
Nous ne traiterons ici que le cas d'un produit dénombrable d'espaces métriques (En,dn)n≥1. Pour commencer nous faisons l'hypothèse supplémentaire suivante que tous les ensembles En sont bornés et de diamètre ≤1. Les élements du produit $E=\prod_{n=1}^{\infty }E_{n}$ sont donc des suites x=(xn)n≥1 telles que pour tout n xn∈En. Nous posons maintenant $d(x,y)=\sum_{n=1}^{\infty }\frac{d_{n}(x_{n},y_{n})}{2^{n}}$. Le premier résultat est le suivant :
Considérons maintenant le cas où les espaces En ne sont plus nécessairement de diamètre 1. Pour tout n nous posons $d'_{n}=\frac{d_{n}}{1+d_{n}}$ alors d'n est une distance sur En topologiquement équivalente à dn. Nous construisons donc d comme ci-dessus à partir des d'n et d définit la topologie produit sur E.