Intuitivement, la connexité exprime la propriété d'un espace topologique d'être d'un seul tenant.
Définitions
Un espace topologique (E,$\mathfrak{T}$) est dit connexe si les seuls sous-ensembles de E qui sont à à la fois ouverts et fermés sont l'ensemble vide ∅ et E lui-même.
On voit aussitôt que :
Les trois propriétés suivantes sont équivalentes :
(E,$\mathfrak{T}$) est connexe.
Il n'existe aucun couple (A,B) de sous-ensembles ouverts de E non vides tels que E=A∪B et A∩B=∅.
La notion de connexité s'étend aux sous-ensembles d'un espace topologique donné.
Un sous-ensemble F d'un espace topologique (E,$\mathfrak{T}$) est dit connexe si le sous-espace F de E muni de la topologie induite par celle de E est lui-même connexe au sens précédent.
Un espace topologique (E,$\mathfrak{T}$) est dit localement connexe si, pour tout x de E, il existe un système fondamental de voisinages connexes de x.
Nous nous intéressons maintenant en particulier aux sous-ensembles connexes de $\mathbb{R}$.
Les parties connexes de $\mathbb{R}$ sont les intervalles. En particulier $\mathbb{R}$ est connexe et localement connexe.
Si A est une partie connexe de $\mathbb{R}$ alors A est un intervalle, puisque tout réel a strictement compris entre deux éléments de A appartient lui aussi à A : sinon, $]-\infty,a[\cap A$ et $]a,+\infty[\cap A$ formeraient une partition de A en deux ouverts de A non vides et disjoints.
Si A est un intervalle de $\mathbb{R}$ alors A est connexe, puisque toute application continue de A dans $\mathbb{R}$qui ne prend que les valeurs 0 et 1 est constante, d'après le théorème des valeurs intermédiaires.
$\mathbb{R}$ est localement compact parce que les intervalles de centre x forment un système fondamental de voisinages de x.
Propriété importante
Si A est un ensemble connexe dans un espace topologique (E,$\mathfrak{T}$), alors tout ensemble B tel que A⊆B⊆$\overline{A}$ est connexe.
Supposons en effet que X et Y soient deux ensembles ouverts non vides dans B tels que X∪Y=B et X∩Y=∅ ; comme A est dense dans B, X∩A et Y∩A ne sont pas vides, sont ouverts dans A et on aurait (X∩A)∪(Y∩A)=A, (X∩A)∩(Y∩A)=∅, ce qui est contraire à l'hypothèse.
Stabilité vis à vis des opérations ensemblistes
Si X et Y sont deux parties connexes d'un espace topologique E, en général l'union et l'intersection de X et Y ne sont pas connexes.
Dans un espace topologique (E,$\mathfrak{T}$), soit (Aλ)λ∈L une famille d'ensembles connexes ayant une intersection non vide ; alors $A=\bigcup_{\lambda \in L}^{ }A_{\lambda }$ est connexe.
Soit $a\in \bigcap_{\lambda \in L}^{ }A_{\lambda }$ et supposons que A=B∪C où B et C sont des ensembles ouverts non vides dans A tels que B∩C=∅. Supposons par exemple que a∈B ; par hypothèse il existe au moins un λ tel que C∩Aλ≠∅ ; alors comme B∩Aλ≠∅, B∩Aλ et C∩Aλ sont ouverts dans Aλ et tels que (B∩Aλ)∪(C∩Aλ)=Aλ, (B∩Aλ)∩(C∩Aλ)=∅, ce qui est contradictoire.
Soit (Ai)1≤i≤n une suite finie d'ensembles connexes dans un espace topologique (E,$\mathfrak{T}$) telle que Ai∩Ai+1≠∅ pour 1≤i≤n-1 ; alors $\bigcup_{i=1}^{n}A_{i}$ est connexe.
Ce résultat se déduit du précédent par récurrence sur n.
Composantes connexes
Soit (E,$\mathfrak{T}$) un espace topologique, et considérons sur E la relation binaire ainsi définie x$\mathfrak{R}$y si et seulement si il existe un ensemble connexe V de E contenant x et y. Alors $\mathfrak{R}$ est une relation d'équivalence sur E.
La relation est réflexive, en effet, pour tout x, {x} est un ensemble connexe contenant x. Elle est évidemment symétrique. Enfin si V est un ensemble connexe contenant x et y et si W est un ensemble connexe contenant y et z, alors d'après ce qui précède comme V∩W n'est pas vide puisqu'il contient y, V∪W est un connexe contenant x et z et la relation est transitive.
Les classes d'équivalence pour la relation précédente s'appellent les composantes connexes de E. Ainsi si x est un élément quelconque de E, la classe de x soit C(x) peut être vue comme le plus grand ensemble connexe de E contenant x.
Pour tout sous-espace A de E, les composantes connexes des points du sous-espace A sont appelées les composantes connexes de A. Si chaque composante connexe de A est réduite à un seul point, on dit que A est totalement discontinu.
Exemples
Un espace discret est totalement discontinu.
$\mathbb{Q}$ est totalement discontinu dans $\mathbb{R}$.
$\mathbb{R}$-$\mathbb{Q}$ est totalement discontinu dans $\mathbb{R}$.
Pour qu'un espace topologique (E,$\mathfrak{T}$) soit localement connexe, il faut et il suffit que les composantes connexes des ensembles ouverts dans E soient ouvertes.
La condition est suffisante, car si V est un voisinage ouvert quelconque d'un point x∈E, la composante connexe de x dans le sous-espace V est un voisinage connexe de x contenu dans V, donc E est localement connexe. La condition est nécessaire, car si E est localement connexe et si A est un ensemble ouvert dans E, et B une composante connexe de A, alors, pour tout x∈B, il existe par hypothèse un voisinage connexe V de x contenu dans A, donc V⊆B par définition de B ; par suite B est un voisinage de chacun de ses points, donc est un ensemble ouvert.
Tout ensemble ouvert non vide A de la droite réelle $\mathbb{R}$ est la réunion d'une famille au plus dénombrable d'intervalles ouverts, deux à deux sans points communs.
D'après le résultat précédent et la caractérisation des connexes de $\mathbb{R}$ les composantes connexes de A sont des intervalles qui sont des ensembles ouverts, donc des intervalles ouverts. L'intersection A∩$\mathbb{Q}$ de A avec l'ensemble $\mathbb{Q}$ des nombres rationnels est dénombrable, et chaque composante de A contient des points de A∩$\mathbb{Q}$ ; l'application r→C(r) de A∩$\mathbb{Q}$ dans l'ensemble $\mathfrak{C}$ des composantes connexes de A est ainsi surjective et par suite $\mathfrak{C}$ est au plus dénombrable.
Lien avec la continuité
Soit f une application continue de (E,$\mathfrak{T}$) dans (E',$\mathfrak{T'}$) ; pour tout sous-ensemble connexe A de E, f(A) est connexe.
Supposons f(A)=M∪N, où M et N sont des sous-ensembles non vides de f(A), ouverts dans f(A) et tels que M∩N=∅. Alors d'après ce résultat, A∩f-1(M) et A∩f-1(N) seraient des ensembles non vides, ouverts dans A et tels que A=(A∩f-1(M))∪(A∩f-1(N))et (A∩f-1(M))∩(A∩f-1(N))=∅, contrairement à l'hypothèse.
Le résultat suivant, par analogie avec le même énoncé dans le cas de la droite réelle, est connu sous le nom de théorème de Bolzano.
Soit (E,$\mathfrak{T}$) un espace connexe, f une application continue de E dans la droite réelle $\mathbb{R}$. Soient A et B deux points de f(E) avec a<b. Alors, pour tout c tel que a<c<b, il existe x∈E tel que f(x)=c.
En effet f(E) est connexe dans $\mathbb{R}$ d'après le résultat précédent, c'est donc un intervalle.
Connexité par arcs
Dans le contexte de ce chapitre, nous convenons d'appeler courbe dans un espace topologique (E,$\mathfrak{T}$) l'image d'un intervalle de $\mathbb{R}$ par une application continue ($\mathbb{R}$ étant muni de sa topologique usuelle). En outre si l'intervalle en question est compact (de la forme [a,b]) nous utiliserons plutôt le mot arc ou encore chemin que nous avons déjà rencontré ici .
Il résulte du paragraphe précédent que :
Toute courbe, tout arc est connexe
Nous énonçons maintenant un résultat intuitif :
Si $\mathfrak{C}$ est une courbe dans un espace topologique (E,$\mathfrak{T}$) et si A est un sous-ensemble de E tel que $\mathfrak{C}$ passe par un point de A et par un point de E-A, alors $\mathfrak{C}$ passe nécessairement par un point frontière de A.
En désignant la courbe par B ce résultat est une conséquence du théorème plus général suivant :
Soit A un sous-ensemble d'un espace topologique (E,$\mathfrak{T}$). Si B est un sous-ensemble connexe de E tel que A∩B et (E-A)∩B soient tous deux non vides, alors (Fr(A))∩B n'est pas vide. En particulier, si E est connexe, tout sous-ensemble A distinct de E et de ∅ a au moins un point frontière.
Supposons que (Fr(A))∩B=∅ ; soit A'=E-A ; comme E est la réunion de $\overset{o}{A}$, $\overset{o}{A'}$ et Fr(A), B serait réunion de U=$\overset{o}{A}$∩B et V=$\overset{o}{A'}$∩B, qui sont tous deux ouverts dans B et non vides par hypothèse (car un point de A∩B doit apartenir à $\overset{o}{A}$∩B puisque Fr(A)∩B=∅ et pareillement pour A'∩B) ; comme U∩V=∅, ceci serait contraire à l'hypothèse que B est connexe.
Un sous-ensemble F d'un espace topologique (E,$\mathfrak{T}$) est dit connexe par arcs si pour tout couple de points (x,y)∈F×F il existe un arc d'extrémités x et y contenu dans F.
Il résulte de ce qui précède que si F est connexe par arcs la composante connexe de tout point x de F est égale à F et que F est donc connexe.
La connexité par arcs implique la connexité, mais la réciproque n'est pas vraie. Il s'agit d'une propriété strictement plus forte mais pouvant être utilisée pour démontrer la connexité (souvent les arcs sont de simples segments de droite dans le cas des espaces vectoriels). On peut ainsi montrer que dans $\mathbb{R}$n chacun des deux demi-espaces séparés par un hyperplan sont connexes, mais aussi que tout sous-espace vectoriel, et plus généralement tout ensemble convexe, est connexe.
Pour un contre-exemple classique d'ensemble connexe et non connexe par arcs, voir par exemple la page wikipédia donnée en lien avec l'image