Espaces compacts

Jean Dieudonné compare les espaces compacts de la topologie générale aux espaces finis de la théorie des ensembles. C'est une façon de voir et on peut faire confiance à ce grand mathématicien et à sa culture pour faire des rapprochements ayant du sens. Quoi qu'il en soit l'auteur voit les compacts comme une généralisation des ensembles fermés et bornés dans les espaces Rn muni de la distance euclidienne usuelle.

La notion de compacité est a priori topologique, mais nous nous concentrons ici très rapidement sur le cas des espaces métriques et la caractérisation de la compacité dans ce cas particulier.

Compacité des espaces topologiques généraux

Recouvrements

D'une façon générale un recouvrement d'un ensemble E par une famille de parties de cet ensemble, consiste en la donnée d'une famille indexée (Pλ)λ∈L de parties (ou sous-ensembles) de E dont la réunion donne E tout entier, c'est à dire E=λLPλ, ou bien encore tout x de E appartient à au moins un des Pλ, soit en langage formel ∀x∈E∃λ∈L|x∈Eλ.

Notons bien que dans le cas général les Pλ formant un recouvrement ne sont pas nécessairement deux à deux disjoints ; s'ils le sont nous parlons alors de partition de E.

Par exemple les intervalles ]-n,+n[ forment un recouvrement de la droite réelle R quand n parcourt N, tout comme les ensembles [-n,+n] d'ailleurs.

La seconde notion dont nous aurons besoin pour poser notre définition est celle de sous-recouvrement d'un recouvrement donné.

Si (Pλ)λ∈L est un recouvrement de E, on parle de sous-recouvrement associé à H⊆L lorsque la famille (Pλ)λ∈H est encore un recouvrement de E suivant la définition précédente. Cela signifie que du strict point de vue de la réunion les Pλ λ∉H étaient superflus.

Par exemple la famille ]-2n,+2n[ est un sous-recouvrement de la famille ]-n,+n[ dans R. Dans le cas d'une partition, il n'existe aucun sous-recouvrement propre avec H≠L.

Tout naturellement on parle de recouvrement fini, si l'ensemble L des indices du recouvrement est lui-même un ensemble fini.

Les intervalles ]-n,+n[ ne forment pas un recouvrement fini de R. Mais les deux parties R+ et R forment un recouvrement fini de R.

Supposons maintenant l'ensemble E muni d'un topologie T.

On parle naturellement de recouvrement ouvert pour désigner un recouvrement (Uλ) de E où tous les Uλ sont des ouverts de la topologie T.

Les intervalles ]-n,+n[ forment un recouvrement ouvert de R, mais les intervalles [-n,+n] ne forment pas un recouvrement ouvert de R.

Définition de la compacité

On dit qu'un espace topologique (E,T) est compact s'il est séparé et si de tout recouvrement ouvert (Uλ)λ∈L on peut extraire un sous-recouvrement fini.
  • Il résulte de cette définition que tout espace fini est compact.
  • Un espace discret et infini ne peut pas être compact. En effet si E=(xi)i∈I, les {xi} forment évidemment un recouvrement ouvert de E, dont il est impossible d'extraire un sous-recouvrement fini.
  • L'ensemble R n'est pas compact, en effet tout réunion finie d'intervalles ]-n,+n[ est égale à l'un de ces intervalles et ne peut donc être égale à R. Il en résulte que du recouvrement ouvert de R par les intervalles ouverts ]-n,+n[, il est impossible d'extraire un sous-recouvrement fini.
Soit (E,T) un espace topologique séparé. Deux quelconques des propriétés suivantes impliquent la troisième:

  1. E est compact
  2. E est discret
  3. E est fini

1. et .2 implique 3.

Chaque ensemble formé d'un seul point {x} est ouvert, donc la famille des singletons {x} est un recouvrement ouvert de E, et une sous-famille finie ne peut être un recouvrement de E que si E est fini.

3. implique 1. et 3. implique 2.

Chaque ensemble formé d'un seul point étant fermé (pour cause de séparation), tout sous-ensemble de E est fermé comme réunion d'ensembles fermés, donc tout sous-ensemble de E est ouvert et par suite E est discret. Enfin, comme il existe seulement un nombre fini d'ensembles ouverts, E est compact.

Cas des espaces métriques

Précompacité

Un espace métrique (E,d) est appelé précompact sil vérifie la condition suivante : pour tout ε>0, il existe un recouvrement fini de E par des ensembles de diamètre <ε.

Le résultat suivant est la conséquence immédiate de la définition:

(E,d) est précompact si et seulement si pour tout ε>0, il existe un sous-ensemble fini F de E tel que d(x,F)<ε pour tout x∈E.
Tout espace métrique précompact est séparable.
Si E est précompact, pour tout entier positif n il existe un sous-ensemble fini An de E tel que pour tout x de E on ait d(x,An)≤1/n. Soit A=nAn ; A est au plus dénombrable comme réunion dénombrable d'ensembles finis, et pour chaque x∈E on a d(x,A)≤d(x,An)≤1/n pour tout n, donc d(x,A)=0, d'où E=¯A.

Caractérisation des espaces métriques compacts

Pour un espace métrique (E,d), les trois conditions suivantes sont équivalentes:

  1. E est compact
  2. Toute suite infinie dans E a au moins une valeur d'adhérence.
  3. E est précompact et complet

1.⇒2.
Soit (xn) une suite dans l'espace compact E, et soit Fn l'adhérence de l'ensemble {xn,xn+1,...,xn+p,...}. Montrons qu'il existe un point adhérent à tous les Fn. Sinon, les ensembles ouverts Un=E-Fn formeraient un recouvrement de E, dont on pourrait extraire un sous-recouvrement fini Un1, ...Unk ; cela signifierait que Fn1∩Fn2∩...∩Fnk=∅ ce qui est absurde, car si n est plus grand que Max(n1,...,nk), Fn (qui n'est pas vide par définition) est contenu dans tous les Fni (1≤i≤k). Donc l'intersection n=1Fn contient au moins un point a. D'après ce résultat et d'après la définition d'un point adhérent, a est une valeur d'adhérence de (xn).

2.⇒3.
Tout d'abord, toute suite de Cauchy dans E a une valeur d'adhérence, donc est convergente d'après ce résultat, et par suite E est complet. Supposons que E ne soit pas précompact, il existerait alors un nombre α>0 tel que E ne possède aucun recouvrement fini par des boules de rayon α. Alors nous pouvons définir par récurrence une suite (xn) de la façon suivante : supposant que d(xi,xj)≥α pour i≠j, 1≤i≤n-1,1≤j≤n-1, la réunion des boules de centres xi (1≤i≤n-1) et de rayon α n'est pas l'espace entier par hypothèse, donc il existe xn tel que d(xi,xn)≥α pour i<n. La suite (xn) ne peut avoir de valeur d'adhérence, car, si a était une telle valeur, il existerait une suite extraite (xnk) convergente vers a, donc on aurait d(a,xnk)<α/2 pour k≥k0, et par suite d(xnh,xnk)<α pour h≥k0,k≥k0,h≠k, ce qui contredit la définition de (xn).

3.⇒1.
Supposons qu'il existe un recouvrement ouvert (Uλ)λ∈L de E, tel qu'aucune sous-famille finie ne soit un recouvrement de E. Définissons par récurrence, une suite de boules (Bn) de la façon suivante : Supposons que Bn-1 ait pour rayon 1/2n-1 et qu'il n'existe aucune sous-famille finie de (Uλ)λ∈L qui soit un recouvrement de Bn-1. Considérons alors un recouvrement fini (Vk)1≤k≤m de E par des boules de rayon 1/2n ; parmi les boules Vk qui ont avec Bn-1 une intersection non vide, il en existe au moins une Bn pour laquelle aucune sous-famille finie de (Uλ) n'est un recouvrement ; sinon, comme ces Vk forment un recouvrement de Bn-1, il existerait une sous-famille finie de (Uλ) qui formerait un recouvrement de Bn-1. Soit xn le centre de Bn; comme Bn-1 et Bn ont un point commun, l'inégalité du triangle montre que d(xn-1,xn)≤1/2n-1+1/2n≤1/2n-2. donc si n≤p<q, on a d(xp,xq)d(xp,xp+1)+...+d(xq1,xq)12p1+...+12q212n2. Ceci montre que (xn) est une suite de Cauchy dans E, donc converge vers un point a. Soit λ0 un indice tel que a∈Uλ0 ; il existe un α>0 tel que B(a;α)⊆Uλ0. De la définition de a il résulte qu'il existe un entier n tel que d(a,xn)<α/2 et 1/2n>α/2. L'inégalité du triangle montre alors que Bn⊆B(a;α)⊆Uλ0. Mais ceci est une contradiction puisqu'on suppose qu'aucune sous-famille finie de (Uλ) n'est un recouvrement de Bn.

Quelques théorèmes

Dans un espace métrique compact (E,d), toute suite (xn) qui ne possède qu'une seule valeur d'adhérence a, converge vers a.
Supposons que a ne soit pas la limite de (xn) ; alors il existerait un nombre α>0 et une suite (xnk) extraite de (xn) dont les points appartiendraient à E-B(a;α). Par hypothèse cette suite extraite a une valeur d'adhérence b, et comme E-B(a;α) est fermé, b appartient à E-B(a;α). La suite (xn) aurait donc deux valeurs d'adhérences distinctes, ce qui est contraire à l'hypothèse.
Toute application continue f d'un espace métrique compact (E,d) dans un espace métrique (E',d') est uniformément continue.
Supposons le contraire ; il existerait alors un nombre α>0 et deux suites (xn) et (yn) de points de E, telles que d(xn,yn)<1/n et d'(f(xn),f(yn))≥α. Il existerait alors une suite (xnk) extraite de (xn) convergente vers un point a, et comme d(xnk,ynk)<1/nk, il résulte de l'inégalité du triangle que la suite (ynk) convergerait aussi vers a. Mais f est continue au point a, donc il existe δ>0 tel que d'(f(a),f(x))<α/2 dès que d(a,x)<δ ; alors d'(f(xnk),f(ynk))<α, contrairement à la définition des suites (xn) et (yn).

Exercices

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